Pathologie et parcours

 

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Introduction

 

Les démences rares ou précoces, également appelées « Dégénérescences Lobaires Fronto-Temporales – DLFT », regroupent quatre groupes de  pathologies :

  • Les démences fronto-temporales (DFT),
  • Les aphasies progressives non fluentes et démences sémantiques (APP),
  • Les paralysies supra-nucléaires progressives (PSP),
  • Les dégénérescences corticobasales (DCB).

Ce sont des maladies neuro-dégénératives, dues à un dysfonctionnement des régions frontales (situées dans la partie antérieure du cerveau) et des régions temporales (parties latérales du cerveau), qui affectent les fonctions cognitives et entraînent des dysfonctionnements fonctionnels retentissant sur les activités quotidiennes et l’autonomie.

Environ 8000 personnes en France  auraient une DFT, 2000 une APP, 6000 une PSP et 2000 une DCB. Mais ces chiffres restent approximatifs.​​

 

Symptômes

 

Les DFT

Les DFT, également appelées maladie de Pick, touchent aussi souvent les hommes que les femmes. Les causes ne sont pas connues, en dehors des causes génétiques qui sont impliquées chez 30 % des patients. Elles débutent le plus souvent de façon insidieuse, entre 50 et 65 ans et se manifestent par des troubles comportementaux et du langage. Les conduites sociales et le contrôle émotionnel sont altérés.

  • Les troubles du comportement se manifestent souvent par une inertie progressive et un repli social. Les patients ne prennent plus d’initiative dans leur vie quotidienne, n’ont plus de motivation ni de projets, et perdent tout intérêt pour leurs activités antérieures. Il faut souvent les stimuler pour entreprendre une activité, pour s’habiller, se laver etc... Ces symptômes font parfois penser à tort que le patient souffre de dépression.
  • Plus rarement, la maladie se manifeste par un relâchement des comportements. Les patients présentent alors une jovialité excessive, une familiarité inappropriée avec l’entourage, un manque de pudeur, une perte de l’hygiène personnelle.​
  • Les patients présentent des troubles affectifs et peuvent devenir plus indifférents à leur entourage. Ils peuvent manifester moins d’émotions lors des événements importants de la vie familiale, ou présenter des réactions émotionnelles inappropriées. Ils sont souvent peu conscients de leur maladie et ne sont pas affectés par leurs propres troubles.
  • Des troubles des conduites alimentaires sont fréquents. Les patients mangent de façon gloutonne, précipitée, parfois salement. Ces modifications peuvent être associées à une prise de poids au début de la maladie. Il est fréquent que les goûts alimentaires changent.
  • Une réduction progressive du langage peut conduire à un mutisme.
  • La mémoire est relativement préservée, notamment au début de la maladie, à l’inverse de la maladie d’Alzheimer. Il n’y a pas ou peu de problème d’orientation spatiale. En revanche, l'orientation dans le temps peut être perturbée.

Les APP

Ce sont des maladies dégénératives touchant sélectivement les régions cérébrales de l’hémisphère gauche, qui prennent en charge le langage (notamment le cortex frontal et temporal). Les APP (quelquefois aussi appelées syndrome de Mesulam) affectent des patients relativement jeunes puisqu’elles débutent dans la plupart des cas avant l’âge de 65 ans. Les cas héréditaires sont rares.

  • Selon les différents sous-types d’APP, des aspects distincts du langage peuvent être altérés comme par exemple la connaissance des mots (manque du mot, perte du sens des mots), la syntaxe (phrases très simples) ou l’élocution (déformations des sons du langage). Les troubles du langage peuvent se manifester également lors de l’écriture et de la lecture, entraînant des fautes d’orthographe ou des troubles de la compréhension de textes.
  • Contrairement à la maladie d’Alzheimer, les patients atteints d’APP n’ont pas d’oublis notables dans la vie courante en dehors de ceux qui s’expliquent par leurs difficultés à évoquer les mots ou à comprendre parfois le discours de l’entourage.
  • L’évolution, lentement progressive, mène à une intensification des troubles langagiers. En dehors du langage il n’y a pas d’autre handicap durant de longues années. Après des années d’évolution, on observe parfois des troubles plus diffus concernant par exemple la concentration, la mémoire ou encore le comportement.

La PSP

La PSP fait partie des syndromes parkinsoniens atypiques, elle représente 5 à 10 % des syndromes parkinsoniens. Sa caractérisation est assez récente puisque les premières descriptions furent proposées par le Docteur Richardson avec l’aide des Docteurs Steele et Olszewski, en 1963. Elle débute en moyenne entre 60 et 65 ans, la survie est de durée variable, souvent longue. Les causes de cette maladie sont encore inconnues. Les lésions observées dans la PSP au niveau du cerveau sont caractérisées par l’accumulation de protéine tau anormale (tauopathie).

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La DCB

La DCB est une maladie très rare décrite il y a 20 ans et appartenant aux syndromes parkinsoniens atypiques. Cette maladie d’évolution progressive touche la motricité, mais peut comporter aussi des troubles cognitifs. Le diagnostic est difficile au début, en raison de présentations cliniques variées. Les lésions observées dans la DCB au niveau du cerveau sont caractérisées par l’accumulation de protéine tau anormale (tauopathie).

  • Les troubles moteurs

Le début de la maladie se fait par une maladresse d’une main, avec lenteur et rigidité, une posture anormale (dystonie) d’un membre supérieur ou un trouble de la marche avec posture anormale d’un membre inférieur. L’atteinte est d’abord unilatérale et devient bilatérale après quelques années. Ces symptômes sont accompagnés de troubles de l’équilibre précoces avec des chutes. Ces signes parkinsoniens sont asymétriques et dopa-résistants.

  • L’apraxie

L’apraxie est le trouble principal : il s’agit d’une difficulté dans les mouvements volontaires ou sur imitation, alors que le patient connaît le déroulement du geste. Cela touche aussi bien les membres provoquant des troubles gestuels (apraxie motrice) que la partie bucco-faciale entrainant des troubles de la parole (apraxie bucco-faciale).

  • Les troubles cognitifs

Avec l’évolution de la maladie, des troubles cognitifs s’installent. Il s’agit d’un « syndrome dysexécutif » (difficultés à planifier un mouvement ou une action) accompagné d’une baisse du débit verbal et d’une désinhibition. Il peut y avoir également un agrippement excessif (grasping) ou un syndrome de la « main étrangère » (le patient a l’impression que la main, du côté le plus touché, ne lui appartient pas).

 

Diagnostic

 

Les DFT

  • Les tests neuropsychologiques évaluent les capacités de raisonnement, de jugement, d’attention, les troubles de mémoire etc…
  • Des examens d’imagerie cérébrale comme l’IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) ou le scanner cérébral, montrent une atteinte (atrophie) des lobes frontaux et des lobes temporaux. La scintigraphie cérébrale (SPECT) et la tomographie par émissions de positons (TEP) permettent, elles, d’étudier plus précisément le fonctionnement cérébral et montrent des anomalies dans les régions fronto-temporales.
  • Des examens biologiques et un électroencéphalogramme permettent d’exclure d’autres pathologies.
  • Une analyse génétique peut être proposée si l’histoire familiale le justifie. Trois gènes sont plus fréquemment impliqués (C9Orf72, PGRN, MAPT).

 

Les APP

Si vous constatez des troubles isolés ou prédominants du langage qui évoluent de manière progressive, il convient de consulter un neurologue qui vous adressera éventuellement à un collègue spécialisé dans le domaine de la cognition ou à un centre de référence ou centre de compétence de votre région. Le diagnostic sera posé en fonction de l’examen du langage et des autres fonctions cognitives, du bilan orthophonique et neuropsychologique ainsi que de l’imagerie cérébrale (IRM, scintigraphie, Tomographie par Emission de Positons TEP) et éventuellement de la ponction lombaire.

 

La PSP

Le diagnostic de la PSP est souvent difficile, notamment, dans les premières années de l’évolution car cette pathologie présente souvent des caractéristiques cliniques ressemblantes à celles de la Maladie de Parkinson. C’est l’évolution ou l’apparition de signes plus évocateurs qui orientent vers le diagnostic de PSP. Il s’agit toujours d’un diagnostic de probabilité, car seule l’analyse histologique du cerveau peut en faire un diagnostic de certitude. Les critères diagnostiques sont établis avec en premier, les troubles oculomoteurs et les chutes.

Les examens réalisés pour porter le diagnostic de PSP sont les suivants :

  • Des tests neuropsychologiques qui évaluent les capacités de raisonnement, de jugement, des capacités attentionnelles, des troubles de mémoire etc. Ils retrouvent un syndrome dysexécutif.
  • Une IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) cérébrale qui montre une atrophie du haut du tronc cérébral.
  • L’imagerie fonctionnelle (la tomographie par émissions de positons TEP et la scintigraphie cérébrale SPECT ou  DaTSCAN) permet d’étudier plus précisément la perfusion cérébrale. Elle peut montrer une altération dans les régions frontales, ou au niveau des noyaux gris centraux.
  • Un enregistrement de l’oculomotricité peut être utile dans les formes débutantes. Il montre une atteinte des mouvements oculaires dans la verticalité.

La DCB

Il existe des critères diagnostiques : installation progressive et asymétrique d’une rigidité et des difficultés à effectuer les mouvements (unilatérales et asymétriques), des troubles de l’équilibre et de la marche, une dystonie d’un membre et une apraxie précoce, des myoclonies d’un membre. Le début est insidieux, la progression lente, l’âge de début est d’environ 50 ans. L’imagerie par résonance magnétique (IRM) montre pour cette maladie une atrophie du cortex pariétal asymétrique. D’autres régions du cortex peuvent être atrophiques, avec toujours une asymétrie.

Le diagnostic différentiel : Les autres maladies à éliminer sont avant tout les autres syndromes parkinsoniens atypiques et notamment la paralysie supranucléaire progressive (PSP), une dégénérescence fronto-temporale (DFT), une aphasie primaire progressive (APP), voire une maladie d’Alzheimer.

 

Traitement et accompagnement

 

Les DFT

Des traitements médicamenteux (antidépresseur par ex.) et une prise en charge adaptée (orthophoniste) permettent d’améliorer certains symptômes. Il n’y a cependant pas de médicament spécifique pour le moment. Une prise en charge pluridisciplinaire (neurologue, psychologue, orthophoniste, assistante sociale) permet d’évaluer au mieux les besoins et d’assurer une prise en charge optimale.

Les APP

Il n’y a pas de traitement médicamenteux validé. La prise en charge par une équipe neurologique spécialisée et la rééducation orthophonique permettent cependant une stabilisation ou un ralentissement de l’évolution.

Le centre national de référence «  Démences Rares ou Précoces » de la Pitié-Salpêtrière propose dans le cadre de la prise en charge des patients une consultation multidisciplinaire comprenant, entre autres, des bilans cognitifs et des investigations complémentaires.

La PSP

Les traitements actuellement proposés sont des traitements symptomatiques : prise en charge des troubles de la motricité (kinésithérapie, ergothérapie), de la parole (orthophonie), de la déglutition (orthophonie). La thérapeutique médicamenteuse curative n’existe pas encore, des recherches sont en cours.

Un soutien du patient et de l’entourage est nécessaire : suivi psychologique en dehors du suivi médical par un neurologue spécialisé, et par un médecin de ville.

La DCB

Il n’y a pas de traitement curatif mais les recherches sont en cours. Les traitements actuels sont symptomatiques :

  • Kinésithérapie : maintiendelaforce musculaire,luttecontreles rétractions, les troubles de la posture et de l’équilibre,
  • Orthophonie : prise en charge des troubles de la parole et de la déglutition,
  • Prise en charge nutritionnelle : lutte contre la dénutrition liée aux troubles de la déglutition et contre les fausses-routes (épaississants par ex),
  • Adaptation du logement : lit et fauteuil adaptés, lève malade…,
  • Soutien psychologique du patient et de l’entourage associé au suivi médical par un neurologue spécialisé et par un médecin de ville pour une aide rapprochée au quotidien.

 

Liens utiles

 

Il est associé à 17 centres de compétences répartis sur le territoire national et dans les DOM-TOM.

 

Auteur : Dr Isabelle Le Ber, Neurologue au Centre National de Référence des Démences Rares ou Précoces et à l’Institut de la Mémoire et de la Maladie d'Alzheimer, situés à l'hôpital Pitié-Salpêtrière, AP-HP. Mise en ligne le 10 juillet 2019.